Portrait de Denis – Témoignage d’une maman

Grandir parmi les autres

Une naissance dramatique

Si je regarde le tout début de ma grossesse, ce n’était pas mal. J’avais 26 ans et comme toutes les jeunes mères, j’étais heureuse et fière d’attendre mon bébé et de fonder une famille.
Mais le rêve était trop beau et il ne dura pas bien longtemps…

À la dernière échographie, juste la dernière, au huitième mois, l’obstétricien remarqua une malformation cardiaque avec une opération à envisager après la naissance. Il en déduisit la possibilité d ‘une trisomie 21… Impossible de décider quoi que ce soit à ce stade… Alors j’ai attendu… Et le 18 mars, un jeudi, le travail de la naissance commença… Après douze heures d’efforts longs et douloureux, mon bébé était enfin entre mes bras !Mais là encore, pas de bonheur possible : je l’ai à peine vu, qu’aussitôt né, aussitôt disparu !


Il a fallu le ventiler immédiatement après la naissance parce qu’il avait une malformation cardiaque. La cardiologue a eu peur qu’il perde connaissance, ils l’ont pris pour le mettre sous filet d’oxygène. Il n’a pas bleui, tout allait bien. L’artère pulmonaire était trop petite et il y avait une communication interventriculaire… J’apprends à l’occasion ce mot savant : tétralogie de Fallot (ou maladie bleue).
Je me souviens qu’à ce moment-là, je ne voulais plus sortir de la clinique… J’avais peur… Peur de ne pas savoir m’occuper de ce bébé si particulier…
La suite de mon histoire le confirme… Il a fallu rencontrer de nombreux pédiatres, car mon bébé ne grossissait pas, mon lait n’était pas assez nourrissant pour lui. Il a fallu lui trouver une alimentation spéciale.
Les opérations cardiaques se sont ajoutées à cette peur. 1ère opération à 2 mois, puis nouvelle opération à 2 ans. Depuis Denis est régulièrement suivi.


Heureusement, son père m’a soutenue dans ces moments vraiment pénibles. Nous nous sommes soutenus mutuellement. Il m’a rejoint à Paris où j’étais hébergée le temps des opérations. Je me souviens du nom de la maison de famille qui nous a accueillis lors de nos séjours là-bas, c’était « Le Rosier rouge ». Après l’opération, j’avais bon espoir…


Mes aventures au pays de l’éducation précoce


Nous sommes peu à peu sortis de ce monde médical. Nous avons découvert les séances de kiné, d’orthophonie, « les bébés nageurs » et la psychomotricité.
Denis est allé au centre de loisirs avec sa sœur qui le défendait si besoin, et ça lui a fait beaucoup de bien.

En même temps il est allé à l’école. C’était très compliqué, la maternelle ne l’acceptait pas toute la journée, il a fallu mettre en place avec la directrice un protocole. Il fallait une assistante de vie scolaire pour l’accompagner. Il n’allait à l’école que le matin ou l’après-midi. C’était vraiment compliqué. À cette occasion nous découvrons le GEIST* qui nous a aidés dans les relations avec l’école. Des projets, des injonctions, beaucoup d’espoir pour une intégration en milieu « normal », mais une certaine déception tant les obstacles étaient nombreux.


Pourtant le GEIST continuait de nous soutenir. On s’accrochait à cette association comme à une bouée. Le problème est que je restais isolée malgré tout, j’aurais tant aimé nouer des relations sociales, parler de mes préoccupations avec d’autres parents concernés comme moi. Seule la pédiatre me redonnait le moral.


L’école maternelle ? Oui, mais seulement deux après-midi par semaine, alors tout le reste de la semaine était consacré à la rééducation, et cela prenait du temps.
Pendant les vacances, Denis jouait au centre de loisirs avec sa sœur, et là tout le monde l’aidait. Il me semble bien qu’il a fait autant de progrès à jouer avec les autres enfants qu’avec les semaines d’exercices spécialisés.
En parallèle du GEIST*, Denis atteint ses 6 ans et rejoint l’école primaire Anatole France où le taxi l’emmène et le ramène le soir. Certes je n’ai plus de souci, mais je m’interroge sérieusement sur ses progrès : à 12 ans il ne sait ni lire ni écrire. Je ne suis pas sûre que l’école ait remarqué sa dyslexie que j’ai découverte après.


Le cycle École Primaire est révolu, il faut imaginer la suite pour Denis qui ne sait toujours pas lire. Il est donc orienté en IME* : « L’essor » au Trait. Il ira avec le ramassage scolaire tous les jours, de 7h30 à 17h, le temps que tous les enfants soient déposés chez eux : de longues journées fatigantes. Mais je remarque qu’il fait beaucoup de progrès dans cette structure.
Après l’épisode du Trait, mon fils intègre le foyer occupationnel* des Fougères à Maromme, une association départementale gérée par le maire de la ville, Mr David Lamiray.


Aujourd’hui, dans la journée il est au foyer occupationnel, le soir il est au Foyer d’hébergement où il partage sa chambre avec sa chérie. Le WE et les vacances on se retrouve à la maison. Il part en transfert cette année avec d’autres adultes. Ses activités de loisirs sont essentiellement celles proposées par le foyer et l’ATD. Il s’y épanouit pleinement.


Et maintenant ? Regard sur mon fils.

Denis a 33 ans. C’est un homme qui a une belle vie affective, depuis longtemps. Aux Fougères, il vit avec sa compagne et mène une vraie vie de couple. Parmi les activités qui lui sont proposées au foyer, il aime surtout le sport : foot, randonnées, gymnastique…
Il aimait beaucoup aller à la salle ‘14’, à Bapeaume les Rouen, une fois par mois, danser le samedi après-midi. Mais cette proposition s’est arrêtée. Il y retrouvait des amis qu’il avait connus au GEIST, à L’essor et au Fougères.


Il fait de la cuisine, se repère dans les rues, de Déville-lès-Rouen à Maromme. Petite anecdote. Lorsque je travaillais à 6h du matin, j’installais un réveil sur son téléphone, et parfois quand le ramassage passait à 9h, Denis n’était pas prêt. Il arrivait comme une fleur vers 10h et s’était débrouillé tout seul, de la maison à Darnétal aux Fougères à Maromme pour se déplacer. J’ai découvert son sens de l’orientation par hasard en discutant avec les éducateurs et éducatrices ! Je ne me doutais pas du tout de ces ‘pannes’ de réveil qui l’ont rendu autonome. S’il n’a pas le choix, il sait se débrouiller !


Denis apprécie beaucoup l’ATD. Il participait à l’un des ateliers hebdomadaires proposé par l’ATD : expression théâtrale. Il y allait, avant le confinement de 2020. Puis les WE du possible sont mis en place et il y participe chaque mois. Denis a bien évolué. Il est autonome et sait ce qu’il veut. Je trouve qu’il a su trouver sa place parmi les autres.


On peut dire que j’en suis fière.